UN MONDE TRANSFORME

C’est pourtant le moment que choisit un organisme américain de grande qualité et de bonne réputation pour nous décrire, après consultation des meilleurs cerveaux de la planète, ce que sera notre monde en 2025.

Cet organisme, le National Intelligence Council (NIC), s’est fait une spécialité de ce type de prévision-évaluation. Il en publie une tous les quatre ans environ, poussant chaque fois sa prévision cinq ans plus loin. Celle qu’il vient de terminer et qu’il a rendue publique à la fin novembre est la quatrième du genre : un document de 100 pages en anglais intitulé Global Trends 2025 : a Transformed World.
Je l’ai lu pour moi-même et pour vous. Dès aujourd’hui, je vous livre, ci-dessous, ce qui m’a paru devoir vous ­intéresser plus particulièrement. Mais, je vous le promets, nous vous en donnerons beaucoup plus dans les toutes prochaines semaines car, comme le dit un humoriste, « l’avenir nous intéresse puisque c’est là que nous passerons les prochaines années de notre vie ».

Les projecteurs de ce National Intelligence Council éclairent le chemin qui nous mène de l’aube de 2009 à l’an 2025 et nous disent à quoi pourrait ressembler notre monde à cette dernière date. Ils ont mis au jour des évolutions étonnantes et d’autres qui le sont moins.
Voici ce qu’ils annoncent :
1) Nous allons assister à un transfert de richesse et de pouvoir économique de l’Ouest vers l’Est sans précédent dans l’histoire moderne du monde. Ce phénomène s’explique par deux causes principales :
- les prix du pétrole, du gaz et de beaucoup de matières premières ont favorisé les pays qui les exportent, dont la Russie ;
- des prix de revient plus bas et les politiques économiques des gouvernements intéressés ont permis de transférer vers l’Asie beaucoup d’industries et de services très lucratifs et qui étaient, jusqu’ici, l’apanage de l’Occident.

2) Il en résulte que les quatre pays dits du Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine) auront, vers 2040-2050, une production égale à celle du G7 d’aujourd’hui.
Mais, dès 2025, et pour peu que la tendance actuelle se maintienne, la Chine sera :
- la deuxième puissance économique et militaire du monde ;
- le premier importateur de matières premières et le plus gros pollueur de la planète.
3) L’avenir de la Russie est, lui, incertain : sa richesse et sa puissance ne se concrétiseront que si elle investit dans le capital humain, développe et diversifie son économie, s’intègre à l’économie mondiale.
4) Trois autres grands pays, tous les trois musulmans, mais non arabes, ont des chances sérieuses d’acquérir beaucoup plus de pouvoir politique et économique : l’Indonésie, l’Iran et la Turquie.

5) À l’exception de l’Inde, qui est une démocratie politique établie et dont le capitalisme le plus ­dynamique est conduit par des entreprises privées, tous les grands pays émergents ont adopté pour se développer un modèle différent de celui en vigueur en Occident : à l’instar de la Corée du Sud, de Taiwan et de Singapour, qui les ont précédés dans cette voie, c’est le capitalisme d’État qu’ils ont choisi.
6) Bien que la demande grandissante de matières premières dont elle regorge et qu’elle exporte la favorise, l’Afrique subsaharienne n’a que de faibles chances de voir l’enrichissement de certains de ses États profiter à la population et contribuer à son progrès.
La corruption des gouvernements et le sous-équipement politique conjugueront leurs effets pour contrecarrer le progrès.
7) La quasi-totalité - 97 % - de la croissance démographique mondiale se fera en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
L’Europe, le Japon (et dans une moindre mesure les États-Unis) verront leur population stagner et vieillir, mais ils conserveront un revenu par habitant très élevé, sans commune mesure avec celui des pays émergents.
Quelques pays d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient* auront une pyramide démographique explosive par le nombre de jeunes et constitueront un arc d’instabilité.
8) La demande de produits agricoles et alimentaires sera de 50 % plus élevée qu’aujourd’hui et le problème de l’eau n’aura pas été résolu.
Les auteurs de ce rapport sur l’évolution de notre ­monde pensent donc qu’il va être « transformé » en moins de vingt ans et qu’il connaîtra, pour la première fois depuis longtemps, « plus de changement que de continuité ».

Réussirons-nous à échapper aux menaces dont on sait qu’elles se profilent à l’horizon : pénuries d’énergie, d’eau et de nourriture ; prolifération nucléaire et conflits ­armés ; terrorisme et pandémies ?
Nos prévisionnistes ne le savent pas et, sur ce plan, ne font que ressasser ce qui est dit dans les conférences internationales et répété dans les médias.
Mais ils sont sûrs que les États-Unis seront de moins en moins l’hyperpuissance et de plus en plus le primum inter pares (« les premiers parmi des égaux »). Ils n’excluent même pas, tenez-vous bien, l’apparition d’une architecture mondiale rénovée au sein de laquelle des puissances asiatiques prendraient la direction des affaires mondiales… à la place de l’Occident.
Ce monde du futur qu’ils ne craignent pas d’imaginer, ils l’appellent « Un monde sans l’Occident » et le présentent comme un épouvantail :
« Dans ce monde, de nouvelles puissances remplacent l’Occident comme leaders de la scène mondiale. Les États-Unis sont débordés et se retirent de l’Asie centrale, notamment de l’Afghanistan. L’Europe ne veut pas leur succéder et assumer la responsabilité centrale. La Russie, la Chine et d’autres sont obligés de prendre en compte les dangers de la surpopulation et de l’instabilité en Asie centrale.
Le rôle de l’Otan décline. Les sentiments anti-Chinois aux États-Unis et en Europe vont crescendo ; des barrières commerciales protectionnistes sont mises en place. La Russie et la Chine font un mariage de convenance ; d’autres pays - l’Inde et l’Iran - les rejoignent.
L’absence d’un bloc stable - que ce soit en Occident ou dans le monde non occidental - ajoute à l’instabilité et au désordre, menaçant éventuellement la mondialisation. »

A.B



20/01/2009
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