Projet de Modification de la Constitution du bénin

République du Bénin

Présidence de la République

COMMISSION TECHNIQUE AD’ HOC DE RELECTURE DE LA CONSTITUTION

RAPPORT DEFINITIF

Créée par le décret N°2008-52 du 18 février 2008, modifié et complété par le décret n02008-597 du 22 octobre 2008 du Président de la République, la Commission technique ad’hoc chargée de la relecture de la Constitution du 11 décembre 1990 était composée, dans un premier temps de :
Président: Professeur Maurice GLELE AHANHANZO


Membres: Professeur Théodore HOLO
Monsieur Moïse BOSSOU
Monsieur Albert TINGBE AZALOU
 Monsieur Pierre METINHOUE
Madame Elisabeth POGNON
Monsieur Ousmane BATOKO
Maître Robert DOSSOU
Maître Saïdou AGBANTOU
Maître Safiatou BASSABI
Monsieur Prudent Victor TOPANOU


Après son installation par le Chef de l’Etat au palais de la Présidence le 20 février 2008, la Commission a mis en place un bureau composé comme suit:


- Président: Professeur Maurice GLELE AHANHANZO
 -Vice présidente: Madame Elisabeth POGNON
- 1er Rapporteur: Professeur Théodore HOLO
- 2ème Rapporteur: Monsieur Ousmane BATOKO
- Secrétaire: Maître Safiatou BASSABI


Le professeur Théodore HOLO et Maître Robert DOSSOU ayant été nommés, entre temps, membres de la Cour Constitutionnelle, le bureau initial fut réaménagé ainsi qu’il suit :
‘¬
- Président: Professeur Maurice GLELE AHANHANZO
- Vice présidente: Madame Elisabeth POGNON
-1er Rapporteur: Monsieur Ousmane BA TOKO
-2ème Rapporteur: Monsieur Pierre METINHOUE
-Secrétaire: Maître Safiatou BASSABI


Dès leurs premières rencontres, les membres de la Commission ont échangé sur la mission qui leur est assignée, à savoir, celle «de mener une réflexion systématique et prospective sur le fonctionnement actuel de la Constitution» comme l’indique l’article 3 du décret N°02008-052.


S’appuyant sur les orientations données par le Chef de l’Etat à l’occasion de l’installation officielle de la Commission, les membres ont convenu de préserver, entre autres:
- les options fondamentales de la conférence nationale de février 1990, à savoir: la forme républicaine de l’Etat, la démocratie libérale et pluraliste, l’Etat de droit;
- la nature présidentielle du régime politique; la limitation du nombre de mandats présidentiels;
- et l’âge (40-70 ans) des candidats à l’élection présidentielle.


Par ailleurs, ils ont pris en compte les insuffisances observées dans la pratique de la Constitution du Il décembre 1990 et fait des propositions en vue de les corriger.
A cet effet, ils ont estimé que l’existence d’institutions de contre pouvoir réel, jouissant d’une véritable autonomie était d’une nécessité absolue dans un Etat de droit.


Dans le cadre de la lutte contre la corruption et l’impunité et en vue de promouvoir le développement, il- est apparu important de rendre l’appareil judiciaire indépendant, impartial et crédible.
Se fondant sur le rapport d’évaluation de la République du Bénin établi en
janvier 2008 par le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs, les membres de la Commission proposent que soient mis fin, le plus rapidement possible, aux dysfonctionnements de la justice dénoncés par le MAEP dans les termes suivants: «la justice est perçue par la plupart des citoyens comme le prolongement de l’Exécutif qui exerce une certaine emprise sur elle, malgré l’existence d’une réglementation instituant son indépendance… D’où la nécessité de la renforcer par un train de mesures lui conférant une indépendance et une autonomie de décision: présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature par le Président de la Cour Suprême.” » (Voir page 100 et 101 du rapport).


Les Béninois de toutes origines et de toutes conditions se sont intéressés à la relecture de la Constitution actuelle de notre pays. Pour ne citer que quelques exemples, des Institutions de la République, des partis politiques, des organisations non gouvernementales et de simples citoyens ont adressé leurs suggestions à la commission en attendant de participer directement aux échanges qui auront lieu à l’occasion de la vulgarisation de l’avant projet de texte de la loi fondamentale.

La Commission a tenu compte, autant que faire ce peut, de toutes ces opinions, de même qu’elle a utilisé les avis des experts et des personnes ressources invités par elle pour l’éclairer sur tel ou tel sujet important et délicat.


Le rapport provisoire remis au Chef de l’Etat le 6 juin 2008 a rendu compte du travail des quatre premiers mois du mandat de la Commission.
Poursuivant ses travaux sans désemparer jusqu’au 31 juillet 2008, dans l’attente de la réaction du Gouvernement à son rapport provisoire, la Commission a approfondi ses réflexions sur, notamment:
-La question de l’autonomie financière et de l’autonomie de gestion financière des Institutions de l’Etat. A cette fin, elle a eu recours aux compétences de Monsieur Ray TOMEHO, administrateur des finances, Directeur de la questure de l’Assemblée Nationale et de Monsieur Nicaise MEDE, expert comptable, enseignant à l’Université d’Abomey Calavi. Au regard des informations qu’elle a collectées, la Commission a recommandé que toutes les Institutions de l’Etat soient obligatoirement soumises à la reddition de leurs comptes devant la Cour des Comptes;

- la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), organe technique et permanent chargé des élections. La composition et le fonctionnement de cet organe ont fait l’objet d’une étude approfondie, au sein de la Commission et en concertation avec le Gouvernement.
Après avoir examiné le rapport provisoire, le Gouvernement a fait part de ses observations et a demandé à la Commission d’en tenir compte. L’article 2 du décret n02008-597 du 22 octobre 2008 a d’ailleurs précisé que la mission de la Commission, au cours de la période de prorogation de deux mois (7 octobre 2008 - 7 décembre 2008), consiste essentiellement à :
« 1- intégrer les observations du Gouvernement dans le rapport provisoire;
2- finaliser l’ensemble du dossier en prenant également en compte les autres amendements du groupe. »
L’ensemble des membres de la Commission a stigmatisé les termes et le ton de la version écrite des observations du Gouvernement, à contrario de la version orale plus compréhensive et plus digeste.
Le présent rapport prend en compte tous les acquis du travail effectué de février” à juin .2008, les observations du Gouvernement et les conclusions des échanges récents entre les membres de la Commission.
Il s’agit, entre autres:
- du long et difficile débat relatif au mode de désignation du Président de la Cour Suprême. Pour montrer la volonté du Bénin de prendre au sérieux les recommandations du MAEP, la Commission suggère de renforcer la séparation du pouvoir judiciaire du pouvoir exécutif. Dans ces conditions, le Président de la Cour Suprême continuerait d’être nommé par le Chef de l’Etat, mais parmi trois (3) personnalités choisies à la base par leurs pairs et soumises à l’appréciation du Bureau de l’Assemblée Nationale;
- du détachement de la Cour des Comptes à laquelle il convient de consacrer un titre exclusif, en application de directives y relatives de l’UEMOA ;
    

  -de la composition et du fonctionnement de la Haute Autorité de L’Audiovisuel et de la Communication. .
En effet, contrairement à ce que dit le Gouvernement dans ses observations, la HAAC ne saurait fonctionner comme une Autorité administrative constitutionnelle sous la tutelle du pouvoir exécutif, mais comme un organe de contre-pouvoir.
Pour cette raison, le Président de la HAAC ne devrait plus être nommé par le Chef de l’Etat, mais élu par ses pairs comme c’est le cas, depuis la mise en application de la Constitution du Il décembre 1990, à la Cour Constitutionnelle, à la Haute Cour de Justice, au Conseil Economique et Social et à l’Assemblée Nationale.
Le rapport rend également compte des réflexions sur la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) et recommande qu’il soit tenu compte de ce que la LEPI ne réglant pas tous les problèmes de fraude électorale, il faille tenir compte, notamment:
-des inscriptions multiples d’une même personne avec des noms différents dans un ou plusieurs postes de recensement;
- aux pressions exercées sur les représentants des partis politiques ou des candidats dans les bureaux de vote;
 
- de l’achat des électeurs;
- au terrorisme électoral (intimidations, provocations…).
Pour s’en tenir à l’essentiel, il convient de noter que les suggestions d’amendement de la Commission portent sur les points focaux suivants:
Les pouvoirs publics;
-La démocratie participative;
-La lutte contre la corruption et l’impunité;
- Le renforcement des droits humains et des libertés publiques.

Les pouvoirs publics


A- Le pouvoir exécutif

Parmi les innovations relatives à l’exercice du pouvoir exécutif, il faut souligner l’organisation du second tour des élections présidentielles dans un délai de 15 jours après la proclamation des résultats du 1er tour et l’interdiction de tout désistement entre les deux tours 48 heures après la proclamation des résultats du 1er tour.
L’article 47 nouveau prévoit que le 1er tour du scrutin de l’élection du Président de la République a lieu 90 jours avant la date d’expiration du mandat du Président en exercice. Par cette précision, la Commission entend donner plus de temps à l’organisation de la passation des pouvoirs entre les Présidents sortant et entrant.
Enfin, l’article 72 nouveau indique que le message du Président de la République sur l’état de la Nation aura lieu dans la première quinzaine du mois de décembre, période anniversaire de la Constitution du Il décembre 1990.

B - L’Assemblée Nationale
L’article 82 nouveau précise que le Bureau de l’Assemblée Nationale reflète la représentation équitable de la majorité et de l’opposition des forces politiques qui y sont représentées. Cette formule garantit la collégialité de la gestion du Parlement en tant qu’organe de représentation de la Nation.
L’article 84 dispose que le Président de l’Assemblée Nationale doit rendre compte chaque année, à l’Assemblée, de sa gestion politique, administrative et financière et lui fournir toutes explications qui lui seront demandées sur ses activités par les députés.
Pour renforcer la mission de contrôle de l’action gouvernementale par l’Assemblée Nationale, les députés auront deux séances au moins par mois réservées prioritairement à leurs questions et aux réponses du Gouvernement. (Art. 114)

C - La Cour Constitutionnelle
A ce niveau, les membres de la Commission ont admis que les décisions de la Cour Constitutionnelle en matière des droits de l’homme ont la primauté sur celles des autres juridictions.
Ils ont également retenu que les violations des droits de l’homme constatées par la Cour Constitutionnelle ouvrent désormais droit à réparation devant le juge judiciaire ou administratif selon le cas.
La démocratie participative
Il s’agit, ici, de donner la possibilité aux citoyens d’initier des lois et de les soumettre au vote des députés. La Constitution a précisé que cette initiative doit provenir d’au moins mille (1000) citoyens par département. .

La lutte contre la corruption et l’impunité


La clarification du concept immunité parlementaire contenu dans l’article 90 et les précisions données à l’article 136 relatif à la Cour des Comptes, traduisent la volonté des membres de la Commission de renforcer la lutte contre la corruption et l’impunité.
 Désormais, tout en continuant de bénéficier de l’immunité parlementaire, le député doit savoir que:
 « Toute infraction pénale commise par un député soit avant son élection, soit pendant son mandat, sera poursuivie dans les conditions ci-après:
-.pendant la durée des sessions, le député ne peut être arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée Nationale sauf les cas de flagrant délit;
- hors session, aucun député ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau- de l’Assemblée Nationale, sauf les cas de flagrant délit ou de condamnation définitive.
 La détention d’un député est suspendue si l’Assemblée Nationale le requiert par un vote à la majorité des deux tiers.
 Toute entrave par l’Assemblée Nationale au déroulement normal de la procédure pénale entraîne suspension de la prescription ».
En ce qui concerne le Président de”la République, sa poursuite devant la Haute Cour de Justice sera désormais votée à la majorité des deux tiers (2/3) des députés .composant l’Assemblée Nationale à l’exclusion des députés membres de la Haute Cour de Justice. Les ministres, quant à eux, peuvent être poursuivis après un vote de la majorité absolue des députés.
Enfin, les crimes économiques et les crimes contre 1 ‘humanité ont été rendus imprescriptibles. La loi pénale peut être rétroactive en ce qui concerne ces infractions.

Les nouvelles institutions


Trois nouvelles institutions, à savoir:
- la Cour des Comptes,
- le Médiateur de la République
- et la CENA feront désormais partie des Institutions de l’Etat béninois.


S’agissant, en particulier, de la CENA, sa composition et son fonctionnement ont été définis par la Constitution (article 151 et suivants).
Le renforcement des droits humains et des libertés publiques
Pour renforcer l’Etat de droit voulu par la Conférence Nationale de février
1990, la Commission propose que les citoyens soient habilités, en vertu de l’article 3, à saisir la Cour Constitutionnelle pour contrôle de constitutionnalité des décisions de justice devenues définitives et portant atteinte aux droits humains garantis par la Constitution”. .
Par ailleurs, les membres de la Commission ont réaffirmé la nécessité de promouvoir l’approche genre, le droit de tout citoyen à la vie privée et à la protection de ses données personnelles; ils ont proposé l’abolition de la peine de mort.
Enfin, l’article 5 consacre le statut de l’opposition pour une meilleure garantie des droits de la minorité politique.

Comme nous l’affirmions à la fin de notre rapport provisoire en juin 2008, il importe que le Gouvernement diffuse largement les conclusions actuelles de nos échanges et de nos réflexions, afin de recueillir les réactions des institutions de la République et des composantes de la société.
En créant la Commission, le Gouvernement lui a demandé de relire la Constitution de 1990 et non d’en rédiger une nouvelle. Il n’empêche que les modifications suggérées ne p0UITOnt être intégrées au texte initial de décembre
1990 que si elles reçoivent un large consensus de l’opinion publique et des forces politiques et sociales.

Fait à Cotonou, le 31 décembre 2008


Ont signé:

Les membres du Comité Adhoc
- Président: Professeur Maurice GLELE AHANHANZO
- Vice présidente: Madame Elisabeth POGNON
-1er Rapporteur: Monsieur Ousmane BA TOKO
-2ème Rapporteur: Monsieur Pierre METINHOUE
-Secrétaire: Maître Safiatou BASSABI
Maître Saïdou AGBANTOU
Monsieur Albert TINGBE AZALOU



30/01/2009
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