LUTTE CONTRE LE KPAYO

  Lutte contre l’essence frelatée :La face cachée du combat contre le ’’Kpayo’’ 6 février 2009
Le gouvernement, à travers des communiqués qui passent sur les chaînes de radio et de télévision du pays, a enclenché le combat pour l’interdiction de la vente de l’essence frelatée. Si tout le monde s’accorde sur la nécessité de trouver une solution au phénomène qui fait déjà trop de dégâts, il n’est pas de même pour la manière dont le pouvoir du Changement gère actuellement le dossier. A cause des autres paramètres qui n’ont pas été pris en compte.

Les trafiquants, revendeurs et autres grossistes de l’essence frelatée observent depuis le lundi dernier une grève d’avertissement d’une semaine. Elle pourrait être reconduite, dit-on, dans le milieu. Pour réagir contre les mesures gouvernementales en cours pour l’interdiction de la vente informelle de ce produit sur toute l’étendue du territoire national. En attendant, dit-on, un vaste mouvement contre le pouvoir Yayi Boni sur le sujet, des discussions se mènent parallèlement quelque part pour trouver d’autres solutions. Mais, déjà au niveau des stations-services à Porto-Novo comme à Cotonou, les queues connues il y a bien longtemps, ont atteint 500 mètres par endroit et parfois plus ailleurs. Pour les motocyclistes comme pour les propriétaires de véhicules à quatre roues. Subitement, les Béninois ont repris l’habitude d’aller s’approvisionner à la station. Quand il n’y a plus une seule goutte de l’essence frelatée dans les rues comme par le passé. Et ils sont bien contraints de patienter pendant des heures avant leur tour pour passer à la pompe. Mais il y a plus grave, quand le pompiste très fier de travailler dans ces conditions, est obligé d’annoncer que le produit est fini et conseille de rejoindre rapidement l’autre station plus proche où les clients attendent également leur tour. Tout ceci, parce que le gouvernement n’a pas été encore prêt avant de lancer la campagne contre l’essence communément appelée’’Kpayo’’ qui a permis depuis des années de colmater les brèches et de voiler les insuffisances du pouvoir central en la matière. Il n’y a pas assez de stations-services pour mener et réussir la lutte. Le produit n’est pas aussi disponible à tout instant et en tout lieu. Il arrive qu’on n’ait pas de l’essence dans les stations-services de Porto-Novo sur plus d’une semaine sans qu’on ne sente la pénurie. A cause de l’essence Kpayo qu’on retrouve dans tous les coins de rue. En quantité suffisante et à moindre coût. D’ailleurs, sur l’autoroute Cotonou/Porto-Novo, c’est à peine s’il y a une station. Idem quand on emprunte la route Porto-Novo/Kétou et autres. La situation n’est pas plus reluisante quand on prend les routes du septentrion. Pourtant, on ne cesse de faire croire à la nécessité de mettre fin à l’essence de la rue. Pour le cas de Porto-Novo, depuis le lancement du mouvement des acteurs de la filière essence ’Kpayo’’, on a déjà constaté les limites de la mesure gouvernementale. Plusieurs cadres de l’administration ont dû garer leurs véhicules pour s’essayer avec les motos ou pour prendre carrément les taxis motos communément appelés ’’Zémidjan’’. Parce que l’essence qui coulait à flots dans toutes les rues, est devenue une denrée très rare. Surtout que les quelques rares stations-services n’ont plus le produit que pour juste deux heures environ. Ainsi, les usagers qui ne peuvent pas faire les longs rangs et ceux qui ont déjà fait plusieurs stations sans avoir eu gain de cause, ont dû simplement raccrocher. En 24 heures, la situation a sérieusement perturbé le cours des affaires dans la ville. Outre le fait que certains agents en ont profité pour ne pas être à leur poste de travail à l’heure, le coût du transport a nettement augmenté. Pour le trajet qui coûtait entre 75 et 100 Fcfa, les conducteurs de taxis motos exigent 200 Fcfa et parfois même 250 Fcfa. Pour ce qui concerne le voyage Cotonou/Porto-Novo et vice versa, il faut débourser entre 800 et 900 Fcfa depuis hier. Et on apprend que les prochains jours risquent d’être plus difficiles à gérer pour les usagers de la route.  

Des conséquences sur tous les plans

  La lutte contre la vente de l’essence frelatée n’est pas une affaire aussi simple. Pour le cas du Bénin. Surtout quand elle est gérée dans la précipitation et sans vision prospective. Cette lutte a déjà une histoire et les conséquences sont encore vivaces dans les esprits. Tout au moins dans la cité des Aïnonvi. Des dégâts matériels jusqu’à l’affront à l’autorité qui a dû céder pour ne pas se compliquer l’existence. C’était sous le dernier régime du Général Mathieu Kérékou qui avait pourtant certaines recettes pour régler ses problèmes. Le ministre de l’Intérieur Armand Zinzindohoué a besoin de le savoir pour ne pas rendre la gestion du pays difficile au président Yayi Boni qu’il a tendance à servir avec un excès de zèle. Même si c’est ce dernier même qui a commandité la stratégie. Car, il pourrait en ramasser les pots cassés comme cela a été tout dernièrement le cas avec son ancien collègue Issa Démolé Moko. Ce dernier, très outillé par les questions de décentralisation et en mission commandée, n’a pas survécu aux complications dues à ses prises de position. Il le regrettera presque toute sa vie pour n’avoir pas su raison gardée face aux contraintes du pouvoir. C’est une telle situation qui guette le ministre de l’Intérieur, Armand Zinzindohoué qui ne porte pas des gans avant de lancer la fin de la vente de l’essence frelatée. C’est la complexité du cas de l’essence Kpayo qui aurait pu inspirer le ministre Zinzindohoué. Outre le fait que les citoyens ne sont pas du tout en phase avec lui dans ce dossier, il y a que, du côté du Nigeria d’où vient le produit, c’est déjà plusieurs millions de francs Cfa de manque à gagner pour les gestionnaires de la filière. Et c’est souvent de là-bas qu’on initie des rebellions pour contre-attaquer.  

La fragilisation des bases Fcbe dans le pays

  A toutes ces difficultés, la lutte contre l’essence Kpayo dans le contexte actuel, ne rend pas service au président Yayi Boni. Ce sont surtout ses partisans qui font le commerce de cette essence pour financer des centaines de millions de francs Cfa ses activités sur le terrain. En deux jours de grève, les pertes sont incalculables. Alors que c’est sur ces avoirs qu’ils ont fondé, depuis le temps fort du Général Mathieu Kérékou, leur raison d’être dans la mouvance et œuvrent tous les jours pour accroître les capacités des Cauris dans plusieurs régions. C’est le cas de l’homme d’affaires Joseph Midodjiho alias Oloyé et de l’ancien député démissionnaire du Parti du renouveau démocratique (Prd) Loukman Aloukou Minakodé. Plusieurs fois déjà et surtout lors des deux dernières consultations électorales, les deux ont fait des démonstrations de force pour faire imposer la volonté du président Yayi Boni dans l’Ouémé. Grâce à l’argent de l’essence Kpayo. Si le gouvernement parvenait à enrayer la vente du produit, il aurait aidé à faire tomber ces grands exploitants et fidèles compagnons. C’est en réalité la fragilisation des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) que le ministre Armand Zinzindohoué prépare pour le chef de l’Etat. En ce moment sensible où le premier magistrat a besoin d’une certaine accalmie dans sa troupe pour contrer efficacement ses adversaires politiques. Si la manière de gérer le dossier ne répond à rien, il faut aussi faire remarquer que la période s’y prête très peu. 2011 n’est plus si loin et les complications politiques actuelles ne permettent pas d’initier des actions de ce genre. Surtout avec la pauvreté qui prend déjà d’autres ampleurs à cause de la crise mondiale. Mais au-delà de toutes ces considérations, il y a le fait que c’est par l’Ouémé que le produit est déversé dans les autres régions. Et tout le monde sait que toutes les manifestations hostiles au gouvernement partent de cette région de l’Ouémé. Et toutes les fois que ça démarre, il est difficile de les arrêter. Le Général Mathieu Kérékou en a une haute idée pour avoir vécu les manifestations d’entre 1980 et 1989 qui ont commencé par l’Ouémé et particulièrement Porto-Novo pour embraser tout le pays. C’est de cette région sensible qu’on a la plus grande partie des acteurs de la filière. Ils sont soit, transporteurs, grossistes, revendeurs, piroguiers et même courtisans dans la filière. Que deviendra tout ce monde avec la fin de l’exploitation de l’essence Kpayo ? Surtout que le gouvernement n’a pas su leur trouver une porte de sortie avant d’enclencher sa lutte.  

Le retour au grand gangstérisme dans l’Ouémé et le Plateau

  En dehors de ces quelques conséquences difficiles à gérer, il y a l’avenir de ces acteurs qui doit préoccuper. Nombre d’entre eux sont des anciens grands bandits reconvertis. C’était surtout sous l’ancien préfet des départements de l’Ouémé et du Plateau Félix Mètogbé Zanfongnon qu’a été mis en place les brigades civiles de sécurité pour faire régner l’ordre sur son territoire. Grâce au soutien des gens comme Oloyé et Aloukou qui ont acheté des motos à certains. Nombre de malfrats et de repris de justice sont devenus de grands trafiquants de l’essence Kpayo soit à motos ou avec des voitures. Ils se sont ainsi enrichis et se sont reconvertis. Aujourd’hui qu’ils ne pourront plus opérer dans l’essence frelatée, le risque qu’ils retrouvent leur ancienne occupation est très élevé. Parce que le gouvernement aura choisi la précipitation pour gérer le dossier. A la place d’une vision prospective et un programme progressif de leur reconversion. Déjà, les forces de l’ordre ont montré leur limite pour ce qui concerne la sécurité des personnes et des biens au moment où tout ce monde n’opérait plus. Que deviendra le pays quand ces milliers de trafiquants de l’essence frelatée sans autre emploi, seront dans la danse ? Il n’y a que le ministre Armand Zinzindohoué pour y répondre. Parce qu’il n’a pas encore dit le secteur d’activité où il entend déverser ces gens après avoir fini avec l’essence Kpayo. En dehors de ces gens, il y a les handicapés qui ont aussi pris d’assaut le secteur. Quand ils ont pris goût au trafic de cette essence, la mendicité a été réduite de façon exceptionnelle. Là également, il importe de se demander ce que deviendront tous ces handicapés désormais sans activité. Parce que tous les systèmes de sécurité sociale mise en place pour répondre à leur préoccupation ont échoué. Et jusque-là, l’initiateur du combat contre l’essence Kpayo qui est en plus le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique n’a pas encore prévu la mesure de leur réinsertion sociale. Comme quoi, c’est la charrue devant les bœufs. Sans tenir compte des conséquences qui en découleraient. Armand Zinzindohoué a seulement pris en compte les dégâts causés par cette activité de trafic de l’essence Kpayo pour déclarer la guerre à ses acteurs. Alors que tout ce beau monde sans activité, constitue un danger grave pour le pays. On dirait même qu’on a plus à craindre que tout ce monde soit sans activité. C’est ce qu’on tente d’ignorer au sommet de l’Etat.



08/02/2009
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