ACTUALITES POLITIQUES PAR Dr AÏVO Joël

Actualités politiques de notre pays : Dr. Frédéric Joël AÏVO se prononce Convertir en PDF Version imprimable Email
Écrit par SONANGNON.NET   

Dans les perspectives des prochaines élections municipales et communales, sonangnon.net à reçu pour vous Dr. Frédéric Joël AÏVO, Enseignant de Droit public et de Science politique à l’Université d’Abo­mey-Calavi UAC (Bénin), Directeur de Cabinet et Porte-parole du Président Adrien HOUNGBEDJI du PRD. Ensemble, nous avons parcouru avec notre invité l’actualité politique, sociale et économique de notre pays. Lisez plutôt…

 

 

SONANGNON.NET: Bientôt les élections municipales et communales dans notre pays. Déjà trois élections et chaque fois des contestations quand il s’agit d’installer la Cena. Quelle est votre appréciation de la situation actuelle ?

ImageDr. Joël AÏVO: Mon sentiment personnel est que les élections au Bénin ont besoin d’être revues et corrigées, particulièrement la manière dont nous organisons les élections. Je veux parler de la CENA, de son organisation, son fonctionnement et surtout de ses attributions. Je crois que tout le monde est quasiment d’accord même au-delà du Bénin, qu’il faut ne pas confier l’organisation des élections au Ministère de l’intérieur; c’est quasiment l’une des particularités de toutes les démocraties du Sud qui n’ont pas les moyens de s’offrir les infrastructures qu’il faut pour permettre au ministère de l’intérieur d’organiser les élections en toute quiétude.

Dans les pays du Sud, notamment en Afrique noire francophone, les élections sont tellement sensibles. Elles sont dans nombre de pays la cause des troubles politiques, des instabilités institutionnelles voire des conflits armés. Pour ça il faut éviter que la manipulation des urnes et des suffrages par quelques ministres zélés ou par des fonctionnaires aux ordres, tous angoissés par les incertitudes de lendemain d’élection chaotique, ne porte un coup fatal à la démocratie et à la cohésion sociale. Il ne faut donc pas faire des élections, un facteur de fragilité de la nation, fragilité de la démocratie, c’est pour ça que tout le monde est quasiment d’accord qu’il faut confier l’organisation des élections à une structure qui soit une structure neutre si elle peut l’être en sachant que la Cena ne saurait être neutre, mais qu’il faut que ce soit une structure qui soit consensuelle, où tout les partis politiques, où toutes les sensibilités soient plus ou moins présentes et qu’ils aient un peu leur regard sur la manière dont le scrutin est organisé. Donc sur ça je crois qu’il faut sans doute continuer avec une structure autonome, indépendante du gouvernement, de l’assemblée nationale, presque de toutes les institutions. Cependant, il faut trouver un autre mode d’organisation et de fonctionnement de la Cena.

Le professeur Ahanhanzo Glèlè et le professeur Holo ont livré un rapport qui n’a pas été suffisamment exploité par les pouvoirs publics au Bénin. Autrement je crois qu’il y a une mine d’informations qui aurait sans doute permis de corriger le fonctionnement de la Cena. Telle qu’elle est organisée aujourd’hui, je dirai que presque toutes les guéguerres que nous avons sont inhérentes à la façon dont la Cena est organisée. C’est une structure qui est un peu à la merci du courant politique la mieux représentée à la Cena, c’est une structure qui est à la merci du parti politique qui contrôle les membres qui sont à la Cena. Bref c’est des dysfonctionnements qui sont quasiment incorporés à l’ADN de la Cena aujourd’hui.

Donc, je dirai que c’est de bonne guerre, mais la particularité de cette année est que le pouvoir de président Yayi a poussé tellement loin le bouchon que on a assisté à une cascade de recours, simplement parce qu’il ne sont pas arrivés à contrôler l’institution. Or ça fait très longtemps pour ne prendre que l’exemple du Président Houngbédji qu’il a été toujours minoritaire à la Cena, mais jamais il n’a poussé très loin la multiplication d’actes qui tendent à déstabiliser ou à faire retarder les élections. Le fair play doit être partagé par tous les acteurs politiques de notre pays. Il y en a pas qui soit systématiquement programmé pour perdre et les autres pour gagner.

En parlant des élections au Bénin, une autre particularité c’est que depuis que le Gouvernement actuel est aux affaires, il n’a organisé aucune élection à bonne date. Ni les dernières législatives, encore moins ces municipales qui aurait dû être organisées depuis décembre 2007. On est en mars, et nous ne sommes toujours pas sûrs d’aller voter le 13 février. Tant le dilatoire du gouvernement est constant. Le ministre des Finances malmène la Cena sur le financement du scrutin et la tourne en rond un peu comme ce que M. SEHLIN ancien ministre des Finances du Président Kérékou avait fait pour retarder et foirer l’organisation des dernières présidentielles. Ce qui est sûr, le Gouvernement joue manifestement le pourrissement du scrutin.

Les élections législatives ont été reportées une fois, les élections municipales deux fois, je dirai même trois fois. Ce n’est pas gage de stabilité. Le pouvoir actuel ne donne pas l’impression aux Béninois d’être un pouvoir très sensible à la démocratie.

Selon vous le report chaque fois des élections cache quelque chose? Est ce que ce n’est pas pour une bonne réussite de ces élections ?

Non, les reports auxquels nous avons assisté au Bénin pour être sincère c’est des reports qui ont été motivé ou qui ont été fondé par des divertissements et la récréation que le gouvernement a animés pendant très longtemps. Plutôt que de passer très rapidement aux choses sérieuses, le gouvernement a disposé de beaucoup de temps ; ils ont la majorité au parlement en tout cas ils avaient la majorité au parlement donc ils auraient pu profiter pour toiletter les textes électoraux, programmer et convoquer le corps électoral. Ils ne l’ont pas fait. Pendant très longtemps, le gouvernement nous a diverti, a récréé les Béninois sur des questions secondaires, des questions accessoires. La propagande avait pris le pas sur ce qui était essentiel pour le pays. Ce qui a fait qu’on n’est allé aux élections à quelques mois de l’échéance. Malheureusement il était trop tard, et on n’a pas pu comprendre d’ailleurs pourquoi le gouvernement actuel qui dispose d’une majorité n’a pas fait de l’organisation à bonne date de ces municipales une priorité. Donc c’est pas une question de vouloir bien les faire, c’est simplement qu’ils ont été pris de coup, ils ont été surpris par le temps, ils ont passé tout le temps à distraire les Béninois sur des questions qui n’étaient pas essentielles.

Justement, l’opinion publique attendait vraiment la réaction du PRD puisque aujourd’hui c’est le parti qui se déclare de l’opposition constructive où déjà il y a aussi un peu de flou. Ce n’est pas un parti offensif car il y a des sujets d’actualité mais le PRD ne sort pas pour montrer sa position. Qu’est-ce qui fait que l’opinion publique sent que le parti dort ?

Vous avez en partie raison, le PRD ne dort pas. Nous avons choisi de ne pas envenimer les problèmes qui se posent actuellement à notre pays. Nous avons choisi de ne pas apparaître comme un parti qui jette de l’huile sur le feu. Je voudrais simplement d’abord vous rappeler qu’en dehors du PRD vous n’avez de réaction d’aucun autre parti politique ; les seules réactions que vous avez, les seules voix dissonantes que vous avez dans le pays viennent du Parti du Renouveau Démocratique et on ne peut pas dire que le PRD ne communique sur rien. Nous communiquons sur beaucoup de choses mais nous avons choisi de ne pas communiquer systématiquement sur tout ce qui ne vas pas. Nous accompagnons des fois nos critiques de propositions. Par exemple sur le service militaire nous avons parlé, sur les échecs massifs aux examens nous avons parlé, sur la crise des GSM nous avons parlé peut être en retard mais nous avons parlé, nous avons communiqué, nous avons dit ce que nous pensons.

Mais justement vous venez de dire tout à l’heure que peut être le PRD intervient en retard ; voilà encore un problème sur la crise du GSM où le PRD est intervenu à la veille même du dénouement de cette crise. Pourquoi est-ce que le PRD attend souvent les derniers moments pour réagir, c’est là ou le peuple ne comprend pas réellement la gestion politique de ce parti?

Non, je vous assure que les Béninois comprennent notre position. Simplement sur la crise des GSM, on avait voulu que les Béninois expérimentent par eux-même l’inconséquence de la décision du Chef de l’Etat d’ouvrir brusquement et sans aucune précaution, sans aucune prudence une crise aussi majeure, une crise qui touche au droit international, au droit international des investissements, au droit international des affaires, à la crédibilité de notre démocratie et surtout à la crédibilité de notre capacité à pouvoir sécuriser les investissements étrangers dans notre pays. Donc sur ça, nous sommes intervenus en retard pour certains, mais en réalité, nous avons voulu d’abord laisser suffisamment le temps au gouvernement pour arranger une situation que lui-même à embrouiller.

Maître Adrien Houngbédji sera-t-il candidat aux prochaines municipales ?

Vous savez, la sollicitation est grande autant à Porto-Novo qu’à Cotonou. Beaucoup de nos militants le demande, même les Cotonois le demandent. Les Porto-Noviens souhaitent une fois encore que le Président Houngbédji conduise la liste à Porto-Novo. Les Cotonois aujourd’hui exigent que le Président Houngbédji se présente. Pour l’instant, je vous assure que la question est sur la table. Il n’y a pas d’à priori, je dirai que c’est une question à la fois ouverte et fermée. La décision sera prise par le bureau politique du parti, mais avant tout c’est le Président Houngbédji qui, en fonction de sa motivation et surtout de ses ambitions futures pour le pays, décide en dernier ressort de ce qu’il faudra faire, mais les sollicitations sont grandes je vous le confirme. Je vous certifie qu’on a même des sollicitations de Béninois ordinaires isolés qui pensent que le président Houngbédji peut jouer un grand rôle dans la gestion des deux grandes villes, Cotonou et Porto-Novo. Mais la décision sera prise dans les jours qui arrivent.

Et s’il arrivait que lors de la prise de décision le président Houngbédji se présentait, qu’il allait aux élections et qu’il gagnait, est-ce qu’il va encore comme dans le passé laisser la mairie à son suppléant, parce que nous avons vu le cas de Porto-Novo. Est-ce que ce sera encore le même scénario ?

Vous savez, le Président Houngbédji a démissionné de la Mairie de Porto-Novo. Les gens qui en parlent aujourd’hui, généralement vraiment à 90% sont de mauvaise foi. ils savent très bien qu’ils manipulent une question qui était déjà fermée aussitôt qu’elle a été posée. A Porto-Novo, il y a cinq (5), le Président Houngbédji n’était candidat à rien, il n’était pas candidat à la mairie. Le Président Houngbédji a été sollicité par les Porto-Noviens, notamment par le parti pour conduire la liste en fonction des adversaires cachés qu’on avait en face. Rappelez-vous que le ministre Gaston Zossou soutenu par la coalition UBF, soutenu par le Président Kérékou et tous les partis politiques qui étaient proches de Kérékou, pour la conquête de la ville de Porto-Novo. Porto-Novo était pour nous un passage obligé pour 2006. On devait encore préserver la ville de Porto-Novo, ce qui a justifié que le président Houngbédji ce soit lancé dans la bataille, il n’était candidat à rien du tout, il s’est présenté pour aider la liste, pour porter sa liste et jamais pour être maire. Mais après ceux qui disent qu’il a démissionné veulent bien s’accrocher à un argument pour trouver un défaut au Président Houngbédji sinon il n’était pas candidat à la mairie de Porto-Novo, ce sont les Porto-Noviens qui l’ont sollicité pour conduire la liste, ce qu’il a fait en bon dirigeant.

C’est vrai qu’il serait audacieux de prédire ce qui arrivera après les élections municipales, mais après votre analyse de la situation politique quelle sera la configuration des prochaines municipales ?

Je ne saurai vous dire à moins d’être un devin. Ce que je souhaite c’est que Porto-Novo continue d’être contrôlée par le PRD. C’est mon souhait. Je souhaite également que Cotonou reste aux mains de forces politiques opposées à l’équipe au pouvoir. Parce que nous avons vu deux ans de gestion du pays qui ne rassurent pas grand monde. Les Béninois en deux ans descendent de leurs illusions, des espoirs qu’ils ont placés dans l’équipe actuelle. Si vous avez vécu au Bénin pendant ces deux dernières années il ne vous plaira pas de laisser la gestion d’une boutique à l’équipe qui est en place aujourd’hui. Si vous avez vu la manière dont elle a gèré le Bénin en deux ans, dans une précipitation et dans une impréparation, je pense qu’il ne vous plaira pas de leur confier la gestion d’une boutique ou d’une cabine téléphonique, donc par conséquent je ne souhaite pas que Cotonou tombe aux mains du gouvernement actuel qui n’a pas pu prouver grand-chose au plan national.

Je souhaite que Cotonou soit contrôlée par des forces politiques qui ont de vraies ambitions pour les Cotonois. Je souhaite que la vitrine de notre pays soit confiée à ceux qui ont les moyens de leurs ambitions, qui connaissent Cotonou, qui connaissent un peu les Cotonois, je souhaite la même chose pour Abomey-Calavi, bref, je souhaite que toutes ses grandes villes notamment les villes à statut particulier soient gérées par des gens qui ont une certaine idée de la gouvernance locale et qui ne mêlent pas la politique à la gestion des problèmes à la base. C’est pour ça que je pense en tout cas que le PRD doit se lancer dans la bataille à Cotonou, à Porto-Novo, à Calavi.

J’ai de fermes espoirs, j’ai vraiment la conviction qu’au bout du rouleau, au bout de ces élections, les Cotonois, les Porto-noviens et les populations d’Abomey-Calavi auront une équipe municipale, en tout cas, des maires qui se déploieront complètement à leur cause, qui essayeront de diriger les villes pas comme le pays à été dirigé durant ses deux dernières années.

Plus loin à travers votre analyse, on trouve que la gestion du pouvoir actuel n’est pas une gestion adéquate. Es-ce à dire que tout est négatif ? Nous avons vu quand même des réalisations depuis l’installation de ce pouvoir !

Vous avez vu des réalisations, lesquelles ?

La construction des écoles, l’octroi des micro finances, déjà c’es des actions que nous pouvons mettre à l’actif de ce gouvernement et aussi nous avons vu des grands chantiers lancés. Même si on nous dit que ces chantiers existaient bien avant l’arrivée de ce gouvernement au moins ce gouvernement l’exécute bien. Voilà un peu ce que voit le peuple aujourd’hui, es-ce à dire que tout cela ne porte pas de fruits ?

La construction des écoles ne date pas d’aujourd’hui, depuis 1960 chaque gouvernement qui passe essaie de construire des écoles, s’il n’y avait pas de gouvernement qui ait construit des écoles dans notre pays, on n’en aurait quasiment pas. C’est pour vous dire que des écoles, on en construisait déjà, des routes on en construisait déjà autant qu’on le fait aujourd’hui et plus qu’on le fait aujourd’hui. Je vous rappelle simplement que les projets OPEP et les projets BID qui déploient sur le terrain, dans nos villages et dans nos villes beaucoup d’écoles sont des projets négociés sous les présidents Kérékou, Soglo et beaucoup d’autres projets. Ca ne veut pas dire que le gouvernement actuel ne fait rien. Prenez la gouvernance du président Soglo, le président Soglo a battu tous les records en tout cas de construction de routes. Le président Kérékou étant à la tête d’un gouvernement qu’on a qualifié des plus corrompus, les routes se construisaient, les grandes réalisations de ses dernières années ont été l’œuvre du président Kérékou.

Vous avez dit qu’on qualifiait le gouvernement de Kérékou de corrompu, es-ce à tort qu’on le qualifiait de corrompu ?

C’est sans doute pas à tort. Il y a dans tout gouvernement, de hauts fonctionnaires corrompus. Autant il en avait, autant, il en a aujourd’hui. Simplement que les personnalités dites de la société civile sont de moins en moins neutres. Ils s’intéressent à des sujets qui n’intéressent pas les Béninois, mais les vrais sujets de corruption, si vous prenez la gestion des fonds de l’escorte douanière des véhicules d’occasion, est-ce que vous avez trouvé une organisation dite de la société civile qui en ait parlé ? Pas une seule. La dernière fois, Jean Baptise Elias était sur Golfe Télévision, a parlé de tout, de sujet qui ne le concerne pas, mais sur un sujet aussi brûlant que celui-là, il n’a pas pipé mot. C’est pour vous dire avant il y avait des corrompus, aujourd’hui, il y en à encore. Tous les régimes traînent des corrompus. Le gouvernement du Président Yayi Boni en traîne aussi.

Es-ce à dire qu’on n’a plus une société civile dans notre pays ?

Evidemment la société civile, ça fait longtemps qu’une certaine société civile a franchi le pas de la politique. Toutes les personnalités qu’on qualifiait de société civile n’étaient que des hommes politiques qui ne militaient par dans un parti politique, mais qui étaient des acteurs politiques, qui s’intéressaient aux sujets politiques, mais qui faisaient croire qu’ils appartenaient à la société civile. Regardez-les, un à un ils ont franchi le pas, ils ont quitté la société civile pour entrer dans le gouvernement, soient pour servir le gouvernement du président Yayi. Alors, il vous reste qui ? Il vous reste Jean Baptiste Elias, mais qui de plus en plus fait montre d’une partialité déconcertante. Vous avez vu la dernière fois Monsieur Ahanhanzo Glélé intervenu sur Golfe télévision avec un tel enthousiasme à supporter le chef de l’Etat que on n’est fondé aujourd’hui à croire que la société civile a vécu au Bénin. Certes, il y en a quelques-uns encore, tel Joseph Djogbénou qui est un des membres de la société civile qui marque encore son indépendance à l’égard de tous les partis et courants politiques. Mais tout le reste, vous prenez le professeur Gbégnonvi, Jean Baptiste Elias, Madame Madougou, M Ahanhanzo-Glélé, c’est quasiment des membres externes du gouvernement. Même s’ils ne sont pas au gouvernement, ils se comportent comme des ministres porte-parole du gouvernement.

Selon vous que faire aujourd’hui pour réveiller une société civile, parce que sans une société civile je pense que le pouvoir à la voie libre pour faire tout ce qu’il veut ?

Qu’est ce qu’on peut préconiser, sauf de demander à chacun de jouer son rôle, vous ne pouvez pas empêcher quelqu’un d’avoir une couleur politique, d’avoir une opinion politique, les personnes qu’on créditait d’appartenir à la société civile, de porter toutes les vertus de la société civile ont toutes abandonnées le combat civique, le combat citoyen. Aujourd’hui ils ont embouché la trompette du changement et ont abandonné leurs toges de membres de la société civile. Il faut souhaiter que ceux qui défendent encore les mouvements associatifs, ceux qui militent pour des intérêts non politiques continuent de se battre pour l’idéal démocratique et continuent d’avoir un combat citoyen qui ne soit pas un combat politique. On ne peut rien. Même un encadrement juridique des activités des organisations de la société civile ne règlerait pas le problème. C’est une question d’éthique et de conduite personnelle que chacun doit pouvoir respecter.

Pour une première fois dans notre pays, un président en exercice aux Etats-Unis a été de passage et ceci est à mettre à l’actif de la diplomatie béninoise. Quelle est votre appréciation par rapport à la visite du président Georges Bush ?

En tant que Béninois je suis très content et très fier que le président Georges Bush ait foulé le sol de mon pays. Je suis très content que dans sa tête, pour le peu de temps qui lui reste à passer à la Maison blanche, il aura un petit espace réservé au Bénin. Il se souviendra qu’il a visité un petit pays en Afrique qui s’appelle le Bénin et éventuellement qui pourrait bénéficier de ses largesses. Mais là où je suis en désaccord avec le gouvernement actuel, c’est quand ils veulent faire une utilisation politique d’une visite officielle, du chef d’Etat d’un grand pays. Je suis en désaccord avec eux lorsqu’ils veulent en faire une manipulation politicienne. La vérité est que la visite de Georges Bush au Bénin sanctionne dix-sept (17) années de démocratie, de pratique démocratique, d’alternance au pouvoir. Cette visite ne vient pas que congratuler les deux ans de gouvernance YAYI.

Professeur, si on avait une diplomatie moribonde Georges Bush ne serait pas arrivé ici, il faut reconnaître quelque part que le pouvoir en place par sa diplomatie a fait quelque chose ?

Personne ne nie que c’est à l’actif de la diplomatie de notre pays. C’est-à-dire de l’invitation que vous transmettez à un chef d’Etat, de la pression que vous faites sur un ambassadeur pour qu’un chef d’Etat vienne chez vous, ça si vous voulez on les crédite d’avoir faire suivre le dossier. Je veux simplement vous expliquer que la visite du président Georges Bush au Bénin sanctionne dix-sept années de démocratie, dix-sept ans de travail laborieux des Béninois à soigner leur système politique, à entretenir leur liberté et à défendre les valeurs démocratiques. Nous devons la visite de Georges Bush à huit millions de Béninois et à environ trois chefs d’Etat qui se sont succédés à la tête de notre pays depuis 1990. Donc ce n’est pas tant le mérite d’un Homme. C’est plutôt le mérite d’un peuple, le mérite de plusieurs chefs d’Etat qui année après année, mandat après mandat ont travaillé à ce que la démocratie survive dans notre pays et ait un sens. Je vais vous dire une chose si le président Bush avait simplement voulu tenir compte de la vie démocratique de notre pays depuis deux ans, depuis que le Président Yayi est à la tête de l’Etat, je peux vous assurer qu’il n’aurait même pas mis pieds au Bénin. Car, c’est sous le président Yayi que nous avons connu une régression des libertés démocratiques. C’est à l’ère dite du Changement que les libertés syndicales ont été attaquées. C’est avec eux que la liberté de presse a connu un recul jamais connu dans notre pays, que les douaniers sont attaqués, que les règles d’orthodoxie même les plus élémentaires de management des actions publiques sont foulées au pied, que les étudiants ont vu régulièrement les franchises universitaires violées. Bref, c’est pour vous dire que le président Yayi, si on doit tenir compte simplement de son action à la tête de notre pays en deux ans, si le président Georges Bush devrait en tenir compte, je ne suis pas sur qu’il serait arrivé au Bénin. La diplomatie américaine a tenu compte de l’œuvre des béninois sur dix-sept ans, ce qui sanctionne dix-sept ans de démocratie et c’est ce qui fait la fierté de notre pays. Je pense que la présence de Georges Bush au Bénin doit permettre au gouvernement actuel de soigner sa pratique démocratique, de voir comment moins attaquer les libertés fondamentales et comment moins donner l’impression d’être agacé par la démocratie.

L’histoire nous révèle quand même que concernant la crise sociale qu’il y a actuellement, même au temps de Kérékou, on voyait l’université assiégée par les militaires, on voyait aussi les syndicalistes grevés et que le gouvernement reste parfois campé sur sa décision. Aujourd’hui parlant de régression de liberté nous voyons les syndicalistes qui sont présentement en grève, ils ont la liberté de grève et ils sont payés malgré tout ce que le peuple aujourd’hui est entrain de décrier, parce que désormais la grève n’est plus une manière de revendiquer mais une question d’actualité. Dans ce cas la liberté est-elle arrachée au peuple ?

Si vous vivez au Bénin depuis deux ans, et si vous avez entendu nos gouvernants traiter les syndicalistes depuis qu’ils sont en grève vous constaterez qu’il y a un changement fondamental dans la conception même de la démocratie par le gouvernement. Ils sont agacés par la démocratie, la liberté des citoyens les dérange, quand vous êtes contre eux, ils vous disent que vous complotez contre la démocratie, que vous voulez mettre le pays à genou. Ils ont dit à l’égard des syndicalistes, ils ont prononcé les propos les plus indignes des gouvernants, ils les ont traités, je préfère taire les qualificatifs, mais bref, ils les ont traités de tous les noms ; les syndicalistes n’ont été jamais été aussi menacés que depuis l’arrivée à la tête de l’Etat de l’actuelle équipe. Les étudiants ont eu le même traitement. Ils sont bastonnés maintenant, ce que nous n’avons plus jamais vu, bastonnés jusqu’au sang sur le campus. Moi j’enseigne à l’Université d’Abomey-Calavi, je sais de quoi je vous parle, si vous voulez, vous faites un tour sur le campus et les étudiants vous en parleront. Jusqu’hier j’entendais le président de la Fédération Nationale des Etudiants à la télévision raconter un peu les mésaventures des étudiants. C’est pour vous dire qu’il y a eu une différence de fond, la liberté de presse, je ne dévoile aucun secret que c’est avec le président Yayi Boni que la presse est muselée, je signe et je persiste que la presse est muselée depuis la présence du chef de l’Etat au Bénin, que tout contradicteur est éjecté des chaînes de télévision. La télévision est devenu un peu comme un jeu où on fait l’éloge du chef de l’Etat, on ne voit que le chef de l’Etat un peu comme la télévision en Corée du Nord ou en Ouzbékistan. Donc, je pense et la matérialité de tout ça est que nous avons dégringolé dans tous les classements, au classement international, comme au classement africain, le Bénin a perdu des places considérables, si ça ce n’est pas une preuve de régression en tout cas, de menace de régression de la démocratie, je ne sais pas si on en trouvera d’autres.

Avec ce que vous venez de dire cela signifie t-il que le PRD a du mal à intervenir sur les chaînes de télévisions et de radios vu que tous ceux là sont muselés et ne font que passé le message du gouvernement selon vous ? Vous sentez qu’il y a un blocage ?

Ce n’est pas qu’on sent qu’il y a un blocage. Je confirme qu’il y a un blocage au Bénin. Le président Houngbédji a été interdit d’antenne à l’ORTB (La chaîne de télévision nationale) pour des difficultés de management qui ont été des difficultés fabriquées, le président Houngbédji n’a pas pu intervenir sur l’ORTB. Il a voulu faire une émission pour s’expliquer pour faire connaître le point de vue de son parti sur les grands problèmes de la nation. L’émission n’a pas pu avoir lieu. Beaucoup de nos intellectuels, les cadres du Parti, les vices présidents du parti n’ont plus accès à certaines chaînes de télévisions ou radios de la place, c’est pour dire qu’il y a un musellement, un musellement certain, regarder ce qui se passe sur certaines chaînes où il y a un monologue permanent entre partisans du gouvernement et ministres. Vous avez les mêmes personnes du gouvernement, les mêmes ministres du gouvernement qui sont dans un monologue permanent qui parlent tout seul de la même chose, et pourtant ça n’empêche pas les Béninois de voir ce qui se fait de bien ce qui se fait de mal dans la conduite des affaires de l’Etat.

Si vous devez donner un conseil au président Yayi Boni et à son gouvernement, quel serait-il ?

Je lui dirai, de prendre le temps de connaître le Bénin, il y a deux ans qui sont passés et qui peuvent être pardonnée parce que du fait de la méconnaissance que le président Boni Yayi avait du Bénin, de son système politique avant d’accéder à la charge suprême. Je lui demanderai, de prendre le temps pour le temps qui leur reste, de prendre de recul pour connaître le Bénin et d’interroger les Béninois, de les interroger sur ce qu’ils veulent, de leur demander quelles étaient leurs motivations en mars 2006, qu’est-ce qu’ils voulaient profondément, l’émergence ça veut dire quoi ? Je voudrais leur demander en fait de faire une introspection, de se poser la question de savoir ce que les Béninois veulent vraiment et en fonction, d’avoir un diagnostic sur ce qu’ils offrent aux Béninois depuis qu’ils sont là, demander leur si la propagande faisait partie des besoins des Béninois en mars 2006 ? Je ne suis pas sûr. Les Béninois avaient des problèmes précis et c’est au Chef de l’Etat de refaire en trois ans un bon diagnostic des problèmes des Béninois et en fonction il trouvera la solution qu’il faut et surtout d’être un homme à l’écoute de ceux qui le soutiennent comme de ceux qui ne le soutiennent pas. Je lui demanderai également d’être un homme au-dessus de la mêlée, de ne pas souvent utiliser le redressement fiscal comme étant un mode de gouvernement, comme un mode de règlement des conflits politiques. Je voudrai modestement invité le chef de l’Etat à éviter toute provocation vis-à-vis des forces politiques, des syndicats, des corps constitués de la nation.

Nous allons un peu à votre découverte en vous demandant quelle est votre devise dans la vie ?

Un état d’esprit Combatif ! Toujours combatif !

Et qu’est-ce que vous aimez le plus qu’on vous fasses ou qu’est-ce que vous aimez le plus dans la vie ?

La sincérité et la fiabilité des autres. Je préfère chez un homme ou chez une femme, la sincérité et la fiabilité. Si vous n’avez pas ça, je pense que vous n’avez pas votre place dans la société des hommes.

Quelle est cette figure à la quelle vous auriez aimé ressembler ?

Nelson Mandela !

Et pour quelle raison ?

Pour sa combativité et pour ses grandes convictions, surtout pour sa combativité.

Vous connaissez Sonangnon.net ? Et si oui quelle est votre appréciation de ce site ?


Sonangnon, je l’ai découvert, j‘étais encore en France, c’est un « tonton » qui m’a appelé de la région parisienne pour me dire écoute ! Si tu veux avoir des informations du Bénin, des informations fiables, très actualisées il faut visiter Sonangnon. J’avoue que depuis que j’ai fait le premier clic sur Sonangnon, je n’ai pas arrêté, même étant rentré au Bénin, je continue de visiter Sonangnon et je pense que vous faites un bon travail surtout dans l’information de la diaspora. Les Béninois de l’extérieur, quand vous y êtes et vous êtes contraints de rester loin de votre pays vous n’avez qu’une seule soif : savoir ce qui se passe chez vous. Je pense que vous arrivez à étancher cette soif chez les Béninois qui sont à l’extérieur et donc pour ça je pense que vous êtes très utiles, non seulement aux Béninois de l’extérieur, mais aussi à ceux de l’intérieur, moi-même en étant à Cotonou, à chaque fois que j’ai le temps d’aller sur Internet, je fais un tour sur Sonangnon.

Quel est votre dernier mot ?

Mon dernier mot est de vous remercier de me donner la parole et vous remercier du travail d’information et d’éveil que vous faites au niveau des Béninois. Je voudrais surtout inviter les béninois à plus de vigilance, surtout par rapport aux menaces qui pèsent sur notre démocratie. J’ai entendu la semaine dernière le ministre de la justice dire sur Radio France Internationale, que le chef de l’Etat et le gouvernement actuel était un gouvernement émergeant, ce qui ne voulait rien dire. Plus grave, le garde des sceaux qui n’est pas un enfant ni un plaisantin, affirme que le gouvernement de Boni YAYI voulait instaurer un Etat fort. J’ai eu très peur, et ses propos sont venus renforcés en moi la conviction que j’avais que le gouvernement que nous avons actuellement ne s’accommodait pas de la démocratie, que le gouvernement que nous avons actuellement est un gouvernement qui est dérangé par la démocratie et la liberté des citoyens. Qu’un ministre de la justice dise qu’ils veulent instaurer un Etat fort, ça fait très peur, vraiment très peur et je voudrais inviter les Béninois à la vigilance pour la défense des droits que nous avons acquis dans le sang, dans la douleur, je sais que nous avons fait des sacrifices suprêmes, moi je n’en ai pas fait, mais j’ai des parents qui sont morts pour ça, des gens qui ont été exilés pendant longtemps pour qu’aujourd’hui nous soyons libres. Donc, je voudrais espérer que nous resterons libres, que nous ferons tout pour défendre notre liberté.

 



20/01/2009
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