Mgr Isidore de SOUZA: LE BERGER

 

MGR Isidore de SOUZA: ‘‘Il aimait les jeunes’’


Interview accordée par le Père Théophile Villaça


Dans une interview exclusive accordée à votre journal La Croix du Bénin, le père Théophile Villaça, qui aura  bientôt 80 ans, présente les aspects humains qui font de Mgr de Souza, un homme d’Eglise, de foi, de dialogue et de développement.


La Croix du Bénin : Nous célébrons ces jours-ci les 10 ans du décès de Mgr de Souza. Vous avez été un ami très proche de lui et vous avez été un collaborateur important à ses côtés. A partir de quelques événements de sa vie, pouvez-vous présenter aux jeunes cet illustre pasteur que Dieu a donné à notre Eglise et à notre pays ?

Père Villaça : Je suis heureux de pouvoir une fois encore parler de Mgr de Souza, mais je ne parle jamais de lui sans éprouver une réelle émotion (et des larmes scintillent dans ses yeux). Ce qui fait la force de Mgr de Souza, c’est sa foi en Jésus-Christ. Sans cette foi, on ne peut pas comprendre le personnage. Il aimait beaucoup les jeunes et leur avenir était un grand souci pour lui. En disant cela, je pense aux conditions dans lesquelles les ateliers Steinmetz de Ouidah ont été créés. Mgr décida, comme pour continuer l’œuvre des grands visionnaires tel Mgr Steinmetz, de construire un lieu de formation pour les jeunes à Ouidah. Il fallait un terrain qu’il n’avait pas. Mgr Adimou mit un terrain  à sa disposition. Le diocèse d’Anger  et Mgr Orchampt ont adopté le projet. Et Mgr de Souza s’est mis au travail avec les techniciens  qu’on avait sur place à Ouidah. C’est ainsi que ce centre de formation technique et professionnelle des jeunes a été créé. Pendant les travaux, Mgr était si enthousiasmé qu’il portait lui-même des sacs de ciment sur la tête. C’était pareil lors du chantier de construction du centre médical Saint Joseph de Sô-Tchanhoué. Quand il avait un projet qui l’habitait et dont la réalisation lui semblait urgente, il ne reculait devant rien du tout. Je le revois encore se mettre en tricot pour transporter des sacs de ciment. Je le revois sans gêne, tout en sueur. Les jeunes, la formation des jeunes était une de ses priorités.

Parlez-nous de Mgr dans sa jeunesse
Je voyais le jeune Isidore, très studieux, sportif et footballeur. Il aimait aussi la musique. Il y avait un vieil harmonium dans la classe de la mission catholique  de Ouidah. Lui, Vincent Adjanohoun et moi, nous nous battions sur ce vieil harmonium pour apprendre à jouer chacun à tour de rôle. Et petit-à-petit, on a commencé par accompagner les messes de requiem. Arrivé au séminaire, on a continué. Mgr de Souza est allé au Petit Clerc et Adjanohoun et moi, nous avons commencé au petit séminaire. Il semble qu’il aimait aussi le théâtre. Il a même failli avoir été renvoyé du séminaire pour avoir joué une pièce de théâtre avec les jeunes étudiants et étudiantes à Ouidah pendant les vacances !


Comment était le jeune abbé Isidore de Souza ?
Il était d’abord un prêtre dévoué. Il ne se distinguait pas autrement quand il a été ordonné prêtre. Il desservait deux stations dont Tokpa Domè. Par la suite, il a voulu me confier ces deux stations; mais j’ai préféré garder Savi qui était abandonné et qui était aussi imperméable à la grâce.  C’est dans la même période qu’il devait se rendre à Abidjan pour continuer sa mission. Jeune prêtre, il était donc dévoué. Et c’est parce qu’il aimait les services des stations qu’il tenait à Tokpa Domè où il se rendait régulièrement. Je tenais aussi à Savi qui était célèbre.

Que pouvez-vous dire aux jeunes sur sa vie de prière ?
Là, vous rentrez dans un domaine intime. Dans ce domaine, il y a un aspect intérieur qui est le plus important et il y a un aspect extérieur. Ce qu’on voit à l’extérieur : les piétés et les exercices de piété. Mais ce que le sujet vit à l’intérieur, c’est entre lui et Dieu, entre lui et les Saints qu’il vénère, entre lui et l’au-delà. Mais la piété de Mgr de Souza est devenue très tôt une piété biblique. Il vivait les paroles de la Bible. Séminariste, il n’était pas bibliste. C’est après ces études qu’il est devenu bibliste. Je me rappelle qu’il avait fait un exposé sur le thème : «La Bible et la mentalité africaine». C’est ce qu’il enseignait aussi à l’ICAO. C’est pour cela que Mgr se voyait lui-même comme un Chistusi (comme il le dit dans son testament).  Christusi est un thème que Mgr de Souza développait pour montrer la profondeur qui existe entre le Christ et nous, les exigences que nous impose notre baptême.

Et il est mort son bréviaire en main ?
Non ! Il n’est pas mort avec son bréviaire en main. Son cœur avant de s’arrêter a vacillé à l’entrée de Ouidah. Et c’est en ce moment que son bréviaire est tombé. C’était au matin du 13 mars 1999. Il allait à une messe à Agoué. L’abbé Jonas Ahouansou qui le conduisait avait cru qu’il sommeillait. Alors que c’était tout autre chose. Ils ont continué la route un peu quand il a poussé des soupirs. C’était au croisement de la route qui mène au grand séminaire Saint Gall. Une pluie menaçait. Le père Jonas a compris que quelque chose de grave venait de se passer. Ainsi, il fit demi tour en faisant une escale chez moi, au centre catéchétique. Il gare la voiture et se mit à héler d’urgence. C’était autour de 7 heures. Quand je suis descendu, j’ai constaté que Mgr de Souza était déjà décédé.  J’embarque aussitôt avec le père Jonas pour Cotonou. Nous étions en route pour Cotonou quand il me dit : «il refroidit déjà». Aussitôt j’ai senti quelque chose me traverser. A notre arrivée à la clinique d’Atinkanmey, le Dr Moussé qui avait l’habitude de le traiter l’examina. Puis il  me fait entrer dans son bureau pour m’annoncer que son cœur s’est arrêté depuis une heure. Quelques instants après, nous repenons la route vers la morgue de Ouidah en marquant un arrêt à l’archevêché pour dire au Cardinal Gantin qui était au Bénin en ce moment que Mgr de Souza venait de rendre l’âme.

Il vous l’avait prédit: «quand ça arrivera, vous serez là»?
D’ordinaire, je fais des rêves prémonitoires. Or, il a fait une première crise assez sérieuse qui a nécessité une opération chirurgicale de son cœur pendant 9 heures d’horloge. Lors de sa convalescence, je lui ai rendu visite et je lui ai raconté l’un de mes rêves. Je lui ai dit ceci : «…je t’ai vu en pantalon et en tee-shirt blancs et tu étais sur une table comme si  on sortait un cadavre de la morgue». Et j’ai ajouté :  «Je ne suis pas prophète de malheur mais fais attention…». Après un léger sourire, il m’a dit : «quand ça arrivera, tu seras là».

Est-ce qu’il avait peur de la mort ?
Non ! Il ne demandait que 50 ans de vie. Il en a eu 15 de plus !

Il était vraiment sérieux ?
Oui, il était sérieux. Je lui ai fait remarquer qu’il a des tas de projets pour lesquels il lui faut suffisamment de temps pour les concrétiser. Mais il m’a répondu que 50 ans suffisent. Et il disait qu’il faut provoquer la providence.

Est-ce qu’il suivait les indications des médecins ?
Non ! Je lui ai souvent dit qu’il  faut vivre pour agir. Après sa grande intervention chirurgicale, je dois dire que les prescriptions des médecins faisaient un livre.  Quand j’ai reçu le livre, j’ai été instruit pour l’aider à suivre rigoureusement  les prescriptions. Mais parfois il refusait de prendre ses médicaments. Il fallait peser tout ce qu’il mangeait. Il ne devait pas tout manger. Le Cardinal Gantin m’a dit de veiller sur lui avec rigueur. Ce que j’ai pris au sérieux. Un jour, je lui ai dit que s’il n’obéit pas, je vais le signaler au Cardinal. Et il m’a dit qu’il allait juste le gronder un peu seulement.


Quand il faisait des erreurs, quand il souffrait et quand il était incompris, comment était-il ?
Je vais simplement vous donner quelques exemples. Au début de son épiscopat, Mgr Christophe Adimou était archevêque titulaire de Cotonou et Mgr de Souza, évêque coadjuteur avec droit de succession. C’est une situation pénible, parce que vous êtes deux évêques. Tu te trouves à côté de quelqu’un qui est plus ancien que toi. On te nomme en disant que c’est toi qui vas le remplacer. Donc tu veilles sur des pas. Le tempérament de Mgr Adimou est tout autre que celui de Mgr de Souza qui force et fonce et qui est bouillant. Quand ça ne va pas, il le manifeste. Il n’est pas un homme patient. Il faut savoir le connaître.
C’est connaissant son tempérament que les évêques avaient  préféré Mgr Robert Sartre, alors évêque de Lokossa pour les représenter à la Conférence nationale. Mais Mgr Sastre avait un programme de voyage qu’il ne pouvait pas avorter. Alors, il a étonné tout le monde à la Conférence nationale. Tout le monde n’était pas content. On en voulait à sa vie et il le savait. Il ne se couchait jamais au même endroit deux nuits successives. Où est-ce qu’il passait la nuit, je n’en sais rien. Je sais qu’il avait beaucoup d’amis. Mais attention, lui-même n’aurait pas pris tant de précautions pour sa vie. Car lui, il ne faisait que foncer. Il disait souvent qu’il n’avait peur de rien. Et Mgr Adimou le lui reprochait. Toutefois, il a bien joué son rôle. Il s’est donné peu de temps… Mais il négligeait beaucoup sa santé.
Pendant les sessions de la Conférence nationale, il priait  la Liturgie des Heures que les gens confondaient avec la Bible. Son silence et son calme étaient légendaires. Mais il priait. Il n’avait que son chapelet en main  et il priait. Voilà des actes qu’on doit faire savoir et qui  doivent servir de leçons.

Quel est le repas préféré de Mgr ?
Donne-lui la pâte au gombo ou la pâte aux légumes avec beaucoup de piment et il est satisfait.

Quelle est sa boisson préférée ?
Il délayait du gari. Il aimait bien aussi le Whisky !

Quel est son livre préféré ?
La Bible. Il travaillait surtout en se référant à la Bible. C’était un exégète.

Propos recueillis par
Abbé André S. Quenum

Sébastien, le grand frère de Mgr de Souza
Les gens considèrent l’abbé Sébastien comme un Saint. Ils le prient et font des neuvaines. Ils vont au grand séminaire allumer des bougies sur sa tombe lui demandant de grâces. Certains témoignent qu’ils ont obtenu des grâces en le priant. Mgr. Isidore m’a dit un jour qu’il souhaiterait introduire sa cause à Rome parce que l’abbé Sébastien était connu et vénéré. Et nous avons découvert  qu’il avait les meilleures copies de devoirs en tant que séminariste. Mgr. voulait qu’on l’introduise à Rome comme modèle de séminariste. Même si on ne le promeut pas, on saura qu’on l’a vénéré.
Aujourd’hui, une dévotion similaire se développe en faveur de l’Abbé Florent Nascimento



09/03/2009
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